la lune est blanche

En 2011, l’Institut polaire français invite François et Emmanuel Lepage à rendre compte, dans un livre mêlant bande dessinée et photos, d’une mission scientifique sur la base française antarctique Dumont d’Urville, en Terre-Adélie. En outre, il leur propose de participer, comme chauffeurs, au raid de ravitaillement de la base Concordia, située au cœur du continent, à 1200 km de Dumont d’Urville.

Voilà le cadre du récit qui nous est donné à lire... évidemment, rien ne se passe comme prévu.

Chauffeurs inexpérimentés, Emmanuel et François ont parfaitement conscience de l’espèce de paradoxe dans lequel ils se trouvent : ils prennent la place de mécanos confirmés qui donneraient toutes les chances de réussite à ce Raid.
Dans le même temps, ils se rendent utiles de manière pratique sur cette mission qui repose sur des équilibres à la fois très forts et très fragiles.
Et puis sinon, qui, mieux que des artistes peut rendre compte de l’invisible, de l’indicible des enjeux et des relations humaines au cours d’une telle mission ?
Leur rôle peut sembler anecdotique, il est au contraire essentiel.

Cette BD est exigeante et elle nous emporte en même temps "Il faut écrire comme si tu t’adressais à un ami que tu considères intelligent" : C’est Cavanna qui disait ça à Guillaume Lecointre quand il animait la rubrique scientifique à Charlie Hebdo.

Voilà pourquoi ça marche... Emmanuel et François sont des passionnés, précis dans ce qu’ils racontent qui mêlent avec une grande habileté la technique, le pratique et le sensible. On en arrive nous aussi lectrices et lecteurs à se passionner pour la description concise de la manœuvre destinée à démarrer l’impressionnant convoi... Emmanuel ne voit rien, il est extrêmement concentré, on l’est avec lui et puis page suivante, on est saisi, et on souffle devant l’immensité et le gigantisme, la beauté du paysage photographié par son frère François.

On sourit aussi tendrement devant les cases des vaisseaux Star Wars... on voit le gosse fou de joie qui conduit un vaisseau spatial !

On ressent également les moments de solitude, où l’être humain est face à lui-même mais au sein d’un collectif très fort, qui accompagne, soutient tout autant qu’il laisse s’exprimer la part intime des femmes et des hommes.

Ce récit nous cueille, il vient nous chercher dans ce qui nous relie les uns aux autres. Profondément.

Lisa