Sans détour


Chaque matin, la petite fait le même chemin pour se rendre à l’école. Chaque matin, elle regarde ses pieds et compte ses pas quand elle passe devant la maman, assise par terre, son bébé dans les bras.
"Chaque jour, je me sens mal à l’aise et je regarde ailleurs. Je voudrais disparaître. Je ferme les yeux : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10. Je ne suis plus là. Chaque jour, je me sens triste. Je voudrais prendre ce bébé et l’emporter avec moi. Le mettre au chaud, le câliner."

C’est un sentiment de chaleur humaine mêlé à la tristesse qui a accompagné ma découverte de cet album. Le nez qui picote, les yeux embués, toute remplie d’émotions, je referme le livre et me dis "Mais comment est-ce possible ? Comment un livre, avec des moyens si minimalistes, un texte factuel et des images faites à l’ordinateur, aux traits propres et réguliers, avec 4 couleurs, peut-il autant toucher, remuer ?
Le sujet est rarement abordé en littérature jeunesse : il est complexe et embarrassant... on peut très facilement tomber dans le pathos et la culpabilisation. Il s’agit de parler des personnes sans abri et là, d’une maman avec son petit.

Alors évidemment... je n’ai que des questions pour tenter de répondre à toutes mes interrogations.

Est-ce parce que le texte est écrit au présent, du point de vue de la fillette ? Elle raconte ce qu’il y a autour d’elle, ce qu’elle fait, ce qu’elle ressent et ce qu’elle aimerait faire. C’est simple, va droit au but, sans être frontal. C’est comme ça, voilà. Et on sent en même temps toute la profondeur de son désarroi et la réponse tellement simple qu’elle aimerait apporter à cette maman et son bébé pour seulement les réconforter. Elle finit par trouver. Et il y a de l’amour et de la tendresse pur dans son geste. Sans aucune condescendance.
Dans les images, les personnages n’ont pas de visage dessiné, pas d’expression donc... pour un livre qui procure tant d’émotions, on peut se dire que c’est étrange. Alors est-ce parce qu’on se concentre sur les traits, la douceur, les postures des personnages, le choix de représenter certains aspects particulièrement évocateurs ? Des mains qui se tiennent, le visage orienté vers le bas, la petitesse et la solitude dans le noir aussitôt remplacées par 3 vignettes dans lesquelles la petite imagine ce qu’elle pourrait transmettre à ce bébé, le gros plan sur le câlin...

Evidemment, on ne peut pas réparer le monde tout seul, mais donner de l’amour et de l’attention, c’est possible et c’est le début de tout.

Cet album au sujet si délicat est simplement infiniment beau.

Lisa



  • Auteur : Stéphanie Demasse-Pottier et Tom Haugomat
  • Illustrateur : Tom Haugomat
  • Éditeur : L’étagère du bas
  • Parution : Septembre 2022
  • Prix : 15€

  • Âge : Moyens / Grands / Tout public / Ados/Adultes
  • Genre : Album
  • Médias : L ETAGERE DU BAS
  • Thématique : Amour / Enfance / précarité / Société