La chose perdue


Un livre et un film d’animation

C’est un petit personnage sans âge qui nous raconte l’histoire de la chose perdue. Il l’a rencontrée un jour sur la plage alors qu’il était tout occupé à sa collection de capsules. Tout doucement, elle s‘est laissée approchée, confiante…
Ce livre est un drôle d’assemblage, comme une collection d’objets hétérogènes qui finit par fabriquer un ensemble très harmonieux. Amalgame de papiers collés sur un fond délicieusement mystérieux, la chose perdue elle-même est le fruit d’un mélange organique, végétal, matériel, jamais effrayante, plutôt rassurante. L’univers est très particulier : industriel, moderne et rétrograde, propre et sale. Etonnant aussi, le contraste entre le propos elliptique du texte, la représentation très figée de tous ces personnages qui ne voient plus rien autour d’eux et la fantaisie, l’humour si présents dans les images.
Dans ce livre, il y a un entre-deux, celui dans lequel entre le lecteur. Celui qui permet l’interrogation.
Et c’est magique, ce livre se transforme. Pourquoi ? Parce qu’au départ, il y a une histoire absurde, dont on peut se contenter, une histoire merveilleuse, simplement. A partir de là, on peut y lire ce qu’on veut : une allégorie sur la perte de l’âme d’enfant, ou plus sombre, celle qui met en scène la tristesse et le glissement vers des univers totalitaires et ultrasécurisés (Georges Orwell, 1984, Métropolis de Fritz Lang). Un glissement parce qu’on oublie de regarder la différence (la chose perdue) et qu’on finit par entrer dans la norme. J’y ai vu Nausicaä de la vallée du vent d’Hayao Miyazaki dans la chose perdue. Les questionnements sur l’humanité, la liberté et la responsabilité sont là, tout près. On peut aussi se contenter d’apprécier l’ingéniosité et le plaisir manifeste de l’artiste à créer un si bel objet, un univers enchanteur et très cohérent malgré l’hétérogénéité de ce qui le compose.
Shaun Tan crée un univers hybride, jouant sur les contrastes, les assemblages insolites, les mélanges de sentiments, entre la mélancolie et le rire, la franche absurdité et celle qui est un peu plus angoissante. D’abord, on savoure cette attention si précise aux toutes petites choses. Et signe d’espoir dans de tous petits interstices.

Qu’on regarde le livre ou le film d’animation en premier, le regard se porte sur de nouveaux détails à chaque fois, venant éclairer un nouvel aspect de l’histoire. Avec une petite musique, empreinte de nostalgie et de rêve.
Oscar du court-métrage en 2011 / Meilleur court métrage Annecy 2010
http://www.thelostthing.com/
Shaun Tan est le créateur de Là où vont nos pères, BD silencieuse et néanmoins très parlante, publiée chez Dargaud en 2008. Il sait raconter des histoires et il pose question de très belle manière car ses univers font d’abord rêver, laissent songeur. Prix du meilleur album au festival d’Angoulême 2008.

Lisa



  • Auteur : Shaun Tan
  • Éditeur : Gallimard jeunesse
  • Parution : Septembre 2012
  • Prix : 22,50 €

  • Âge : Moyens / Grands / Ados/Adultes
  • Genre : Album
  • Médias :
  • Thématique : Identité / Imagination / Liberté / Merveilleux